Erdogan, envers et contre tout
C’était « un autocrate tout puissant, candidat au bord du gouffre » (L’express), « l’autre Poutine » selon Le Point, une « facette de l’échec de l’islam politique » selon Le Monde. Le Figaro promettait « le crépuscule du sultan », quand L’express surenchérissait : « Erdogan, le risque du chaos ». Son départ « apportera enfin de l’apaisement » titrait Libération.
Pour quiconque a suivi la campagne électorale en Turquie via la presse française, il fut bien difficile d’échapper à un Erdogan bashing incessant, par des journalistes qui ont souvent confondu leurs souhaits et la couverture impartiale d’une élection. Et dont certains ont du mal à cacher leur amertume à l’annonce des résultats.
Responsable de l’inflation et de la récession, autoritaire, incapable de venir en aide aux victimes du récent séisme, danger sur le plan international, les poncifs n’ont pas manqué pour caricaturer un homme et un bilan que les Turcs (qui décidément votent si mal et ne comprennent rien à leurs intérêts) ont reconduit une nouvelle fois au pouvoir.
Comment comprendre, dans ces conditions, les plus de 49% des voix au premier tour pour Erdogan, avec près de 90% de participation. Et la réélection démocratique d’un homme à 52% au second tour face à une opposition hétéroclite mais unie ? Des résultats qui font saliver n’importe quelle démocratie occidentale.
En réalité, les Turcs ont voté pour un homme qui a modernisé la Turquie comme jamais auparavant. En 20 ans il a su considérablement augmenté le revenu par habitant, instauré la sécurité sociale, construit le plus grand complexe médical d’Europe, accueilli des millions de réfugiés, fait de son pays une puissance militaire et une voix qui compte sur la scène internationale.
Ce que le peuple turc n’a pas oublié. D’où le décalage total entre les prédictions des journalistes, sondeurs, éditorialistes et politologues et les résultats de l’élection.
Mais ce qui n’est pas pardonné, en réalité, au président turc, est son côté « islamo-conservateur », son soutien à la cause palestinienne, sa volonté de renouer la Turquie avec son passé ottoman et son attache à l’islam, quand pendant des décennies l’armée était garante d’une laïcité qui justifiait bien des dérives, comme le coup d’Etat de 1997 contre la victoire d’un parti islamique aux élections ou l’interdiction du voile dans les universités.
Peu de médias s’insurgeaient alors des dérives autocratiques au nom de la laïcité.
Bien sûr, ce traitement médiatique n’est pas réservé au seul Erdogan, mais bien à tout ce qui a trait de près ou de loin à l’islam ou ce qu’on appelle désormais « l’islam politique ». L’UDMF est bien placée pour en parler, et pour constater le décalage complet qu’il peut y avoir entre ce qu’est ce parti et la façon dont certains journalistes en parle. « Parti communautariste », « Ombre de l’islam politique », « proche des Frères musulmans », « émanation du Qatar »… Nous savons à quel point tout ce qui a trait de près ou de loin à l’islam ou aux musulmans peut être caricaturé, déformé, diabolisé.
L’UDMF félicite le peuple turc et son président, et souhaite à la Turquie prospérité, stabilité et succès.
Farid OMEIR, Président de l'Union des Démocrates Musulmans Français